Au 19ème siècle, avec le succès croissant de la peinture sur motif et la naissance de courants tels que l'Ecole de Barbizon, l'Impressionnisme, tous les moyens sont bons pour les artistes de peindre au plus près de leur modèle favori : la Nature. Les tubes de peinture font leur apparition, les toiles et les chevalets se font plus légers, et dernière lubie pour capter la beauté des rives, le réfléchissement de la lumière sur l'eau, on voit apparaitre des "bateaux-ateliers". Connaissez-vous celui de la famille Daubigny appelé "Le Botin" ?
Le plus connu des bateaux-ateliers est sans doute celui de Claude Monet. Celui-ci fut représenté par un artiste non moins connu, Edouard Manet, qui sut capter toute la beauté du moment dans sa toile "Claude Monet peignant dans son atelier", également appelé "Monet sur son bateau" réalisée en 1874. Le premier bateau-atelier est pourtant celui créé en 1856 par Charles-François Daubigny ...

"Claude Monet peignant dans son atelier" par Edouard Manet en 1864
Amoureux des paysages, Charles-François Daubigny décide de faire l'achat d'un bateau pour vivre et peindre sur l’eau afin de naviguer sur les rivières, le meilleur moyen selon lui, pour en ressentir la beauté des rives. Ainsi en 1856, achete t-il un bateau de passeur qu’il équipe d’un mât, d’une voile et de trois paires d’aviron de couple. Il nomme ce dernier "Le Botin".
Pourquoi le bateau porte-t-il le nom de “Botin” ?
Croisant un jour des mariniers du nord, l’équipage, qui gênait la circulation des péniches, se fit traiter de tous les noms dont celui de “Botkin”, qui signifie "petite embarcation" en flamand.
Charles Daubigny et son jeune fils Karl n’ayant pas bien compris l’invective, le surnom du bateau devint le Botin avec un “ t ”.
Prenant l'eau à partir de 1867, il termine ses aventures au fond du jardin de Daubigny, où il est alors reconverti en buvette pour la plus grande joie des amis de l'artiste qui le visite régulièrement dans sa Maison-Atelier d'Auvers-sur-Oise.
Le "Botin" sera remplacé par un second bateau de plus grande taille, équipé de trois voiles et de deux dérives latérales. Son nom ? Le Bottin avec deux « t » !
A quoi ressemblait "Le Botin"?
Le bateau mesurait 8,50m sur 1,80m de large. Muni d'un fond plat en chêne, il ne prenait que 0,50m de tirant d’eau, et était équipé d'une cabane en sapin à l’arrière de 1,60m de hauteur sur 2m de long, peinte avec de larges raies de couleur. Jugeant cette cabine trop petite, Daubigny en fait construire une autre, plus confortable de 1,75m sur 2,20m avec deux petites fenêtres, coffres à l’intérieur pour matelas, couvertures, batterie de cuisine. Le bateau sera également équipé de 2 dérives latérales à la façon des péniches hollandaises, probablement sur les conseils de son ami, le peintre hollandais Jongkind (1819- 1891).
Une réplique du bateau-atelier des Daubigny a été réalisée par l'association le Botin d'Auvers-sur-Oise et circule ponctuellement sur l'Oise, pour Les Journées du Patrimoine ou sur réservation.

Comment la vie s'organisait-elle à bord ?
Charles-François Daubigny était le capitaine et amiral du bateau, quant à Karl Daubigny, il jouait le rôle de mousse. Corot, ami proche des deux peintres, ne montait pas à bord, mais qui les peint à l’occasion depuis la rive, reçu néanmoins le titre honorifique d'amiral honoraire. On embarque aussi un lapin nommé “Raffiot” qui sera la mascotte de l’équipage. Une fois le bateau amarré, Karl Daubigny raconte qu’ils se déplaçaient alors à la recherche d’un motif à l’aide d’une petite barque nommée « Zigzag » remplaçée ensuite par une autre surnommée "Youyou".
Charles- François Daubigny raconte ses aventures fluviales à bord de leur "Botin" dans un réjouissant album de quinze eaux-fortes, qu'il fit graver en 1861 et imprimer chez Delâtre. Ces saynètes montrent le peintre et son fils en train de naviguer, peindre ou pêcher à la ligne, croisant bateau à vapeur, paysans, poissons volants, cigognes et canards en file indienne…

"Le Bateau-atelier" Eau-forte de Charles-François Daubigny,
Collection du Musée Daubigny, à Auvers-sur-Oise.
Avec ce bateau, Les Daubigny père et fils et leurs amis réalisèrent de véritables croisières, se laissant aller au fil de l'eau de l'Ile-Adam à Conflans, de Conflans à Bonnières, aux Andelys, voire jusqu'à Pont-de-l'Arche. Les paysages capricieux de la rive viennent alors se refléter fidèlements sur les prestigieuses toiles des artistes. Le premier voyage se déroula d’Auvers à Vernon.
Ils descendaient la Seine jusqu’à Jumièges, remontaient l’Oise jusqu’à Compiègne, puis prenaient l’Aisne jusqu’à l’entrée des écluses du Nord, près de Laon. Ils navigueront aussi sur l’Eure et l’Yonne. Presque chaque année, des parcours se feront sur la Seine, l’Oise, l’Yonne, mais le bateau est souvent amarré à l’Ile de Vaux à Auvers où viennent fréquemment les amis, comme les peintres Jongkind, Berthe et Edma Morisot, Corot, Emile Boggio, Cézanne, Van Gogh...
Découvrez dans notre galerie, les oeuvres de Karl Daubigny :